Le domaine émergent de la nanomédecine a soulevé beaucoup d’intérêt parmi les scientifiques et a attiré des centaines de millions de dollars de financement pour la recherche. L’intérêt pour la nanomédecine réside dans l’utilisation des propriétés uniques de matériaux nanométriques pour traiter et éventuellement pour résoudre certains des problèmes les plus aigus du diagnostic médical et de la thérapie, tel que le cancer.
De nos jours, nous avons été habitués à entendre « nano-quelque chose », et nous ne prêtons guère attention à ce que cela signifie véritablement pour nous dans notre vie quotidienne. Du point de vue de la science des matériaux, la nanoscience ou la nanotechnologie est liée à des innovations et à des productions de matériaux à l’échelle du nanomètre (un milliardième de mètre, 10-9 m) qui présentent des propriétés uniques en ce qui concerne leurs tailles et leurs compositions. En général, ces technologies pourraient trouver des applications dans divers domaines comme la médecine, l’électronique, les sciences des matériaux, etc.
L’aspect fascinant de ces matériaux tient au fait que lorsque certaines particules ou certains appareils sont fabriqués sur la taille de la région nanométrique, au moyen de méthodes chimiques et physiques spéciales, ils commencent à montrer des propriétés distinctes dépendantes de la taille, de la forme et des compositions élémentaires (tel qu’une énorme quantité d’émission/absorption de lumière, une résonance plasmonique, une grande surface de contact, une capacité à convertir la lumière en chaleur, des propriétés magnétiques spécifiques, etc.). Chacune de ces fonctionnalités a trouvé de nombreuses applications dans la technologie, et elles fournissent des propriétés supérieures par rapport aux matériaux conventionnels. Cet article ne traitera pas chaque technologie basée sur les nanomatériaux, mais se concentrera plutôt sur les aspects médicaux et les applications des nanotechnologies, ainsi que sur la direction qu’emprunte leur évolution.
La nanomédecine est une nouvelle branche de la nanotechnologie qui cherche à distribuer des médicaments pertinents et des agents d’imagerie à certains endroits du corps. L’imagerie biomédicale et l’industrie de la libération contrôlée bénéficient plus que d’autres secteurs de la nanotechnologie. Le phénomène s’explique par le fait que, d’une part, les nanomatériaux fournissent des résultats sans précédent dans le diagnostic et les thérapies, et que, d’autre part, les quantités considérables d’incitations financières, sous forme d’aides gouvernementales et de financements privés, conduisent les institutions qualifiées et les scientifiques du monde entier à étudier ces matières. Par exemple, l’oxyde de fer — lorsqu’il est conçu et fabriqué à l’échelle du nanomètre — peut concurrencer, voire remplacer, la plupart des agents de contraste de l’imagerie à résonnance magnétique (IRM) commerciale en raison de certains de ses attributs, (c’est à dire, en étant beaucoup plus sensible) nécessitant une moindre quantité par rapport aux autres agents de contraste, étant non toxique pour les humains et facile à manipuler en fonction de sa chimie (1). Les sulfures et séléniures de cadmium / tellurium / plomb de taille nanométrique en forme sphérique ou en forme de bâtonnet, également connues sous le nom de points quantiques, peuvent absorber et émettre de la lumière depuis les régions ultra-violettes (UV) jusqu’aux régions infrarouges (IR). Ce phénomène pourrait être utilisé pour construire les capteurs biomédicaux capables de détecter les espèces biologiquement pertinentes (par exemple, la glycémie, les marqueurs tumoraux, les hormones, etc.) avec un degré élevé de rapidité et de précision (2). Même en utilisant des couleurs multiples émettant des points quantiques, on peut, en principe, détecter plus d’une entité biologique en même temps. En outre, les propriétés émissives supérieures pourraient être exploitées pour développer des techniques d’imagerie de fluorescence sensibles et sélectives et à des dosages qui pourraient conduire à un diagnostic simple et rapide des maladies. Les nanotubes en or, s’ils sont irradiés par les lasers IR, peuvent générer des températures extrêmes dans le milieu environnant en raison de la résonance de plasmons de surface, et cette fonctionnalité pourrait être axée vers la destruction des tissus de la tumeur localisée, connue sous le nom de thérapie photo-thermique (3).
Une autre classe de nanomatériaux appelé liposomes (4) peut imiter effectivement les bicouches lipidiques de la membrane cellulaire qui donne naissance à une couche protectrice autour des organites et du noyau et maintient le transport des ions et des molécules à l’intérieur et à l’extérieur de la cellule. Les liposomes synthétiques, étonnamment, peuvent accueillir des cargaisons diverses depuis les médicaments aux agents d’imagerie dans leur cavité intérieure et restituer la libération contrôlée de sa cargaison alors qu’ils circulent dans le corps, fournissant ainsi une plus longue biodisponibilité.
Une des utilisations les plus séduisantes de formulations de nanoparticules dans le traitement du cancer est leur dimension. Certaines tailles de nanoparticules peuvent pénétrer dans les sites tumoraux et être conservées dans cette région plus longtemps que des petites particules ou des molécules. Cette caractéristique extraordinaire des nanoparticules, appelée effet renforcé de perméabilité et de rétention (5), a été utilisée avec les liposomes afin d’administrer efficacement des agents chimiothérapiques aux tissus cancéreux de façon lente et contrôlée. En outre, la malléabilité chimique des nanoparticules donne lieu à des formulations intelligentes qui pourraient répondre aux stimuli externes dans les demandes de livraison de médicament. Par exemple, le fait que les cellules cancéreuses aient des valeurs de pH inférieures aux cellules normales a été utilisé pour déclencher la libération et la livraison de médicaments sur le terrain (6). Une approche alternative aux traitements conventionnels est la thérapie génique, dans laquelle le gène défectueux ou mutant a été réintroduit dans les cellules avec un autre gène fonctionnant correctement afin d’enrayer la maladie (7). Les nanoparticules, surtout leurs homologues polymériques, ont montré des résultats prometteurs en encapsulant, transportant et délivrant le gène sain dans les cellules souhaitées.
En dehors des nanoparticules synthétiques, les nanoparticules naturelles ont reçu ces derniers temps beaucoup d’attention en raison de leurs propriétés et de leurs structures uniques, telle que la biocompatibilité, leur taille uniforme ainsi que leur adaptation au génie chimique et génétique. Les plantes et les virus bactériens, appelés nanoparticules virales (8), ont été testés pour l’imagerie et les demandes de livraison de médicament, et parce qu’ils n’infectent que les végétaux et les bactéries, ils sont considérés comme bénins envers les mammifères. Leurs acides aminés intérieurs et extérieurs pourraient être modifiés chimiquement par des drogues et des modalités d’imagerie et un mécanisme de largage de drogue habilement produit pourrait être utilisé pour opérer sur un stimulus externe ou interne.
Les nanomatériaux sont, en outre, les candidats appropriés pour le développement de vaccins. Normalement, le système immunitaire reconnaît certains groupes chimiques sur la surface des antigènes (les agents pathogènes) et développe son mécanisme de défense basé sur cette reconnaissance. De nombreuses copies de ces groupes chimiques pourraient être chimiquement adaptées autour de la surface des nanomatériaux et pourraient ainsi déclencher la même réponse immunitaire de manière plus efficace (9).
L’avenir de la médecine sera formé et amélioré grâce à une administration ciblée des médicaments et des imageries de contraste dans les sites souhaités. De manière encourageante, les nanoparticules pourront aider à cet égard dans une large mesure. La chimiothérapie anticancéreuse d’aujourd’hui s’appuie principalement sur l’administration d’une variété de médicaments contre le cancer par voie intraveineuse (injection dans la veine) ou par voie orale et délivre des médicaments aux cellules cancéreuses, mais aussi une quantité considérable aux tissus sains, provocant des effets secondaires majeurs. Afin d’accumuler des doses plus élevées de médicaments dans les cellules tumorales, de manière sélective et de réduire au minimum la livraison non spécifique, les nanoparticules chargées de médicaments et chimiquement ornées de « molécules intelligentes » qui ont la capacité de reconnaître les cellules cancéreuses et de se lier spécifiquement à elles, ont été conçues et testées avec succès (10).
Ces groupes intelligents (les molécules organiques, les anticorps, les peptides et les petites molécules) ont étonnamment des affinités de liaison plus élevées vers certains récepteurs surabondants dans les cellules cancéreuses. En outre, l’encapsulation des médicaments par les nanomatériaux prévoit une coque protectrice qui empêche les fuites du médicament vers d’autres sites.
Un inconvénient important du traitement du cancer est la résistance aux médicaments dans laquelle les cellules cancéreuses élaborent des mécanismes pour pomper les agents chimiothérapiques hors des cellules et diminuer l’efficacité des médicaments. Les nanoparticules invalident cependant ces mécanismes de résistance en encapsulant les médicaments et ne doivent donc pas être exposées directement à la cellule du milieu environnant. Quand les nanoparticules atteignent la destination voulue dans la cellule, un mécanisme d’ingénierie ou de stimulation augmente la libération et les médicaments sont censés présenter leur activité sans compromis (11).
Il est fascinant de voir comment ces petites nanoparticules se comportent de manière intelligente et ordonnée, même si elles ressemblent à des grappes inanimées et inconscientes d’atomes. L’art, le design et l’ingénierie extraordinaires attestés en macro-dimensions peuvent être retrouvés dans des dimensions nanométriques, ce qui signifie qu’une Main puissante consciente et délibérée est présente et visible dans ce nano-monde.
En résumé, les nanomatériaux pourraient être des plateformes idéales pour les livraisons de médicaments et les applications en imagerie et pourraient compléter les lacunes dans les thérapies conventionnelles. Charger des copies multiples de ces entités dans des nanoparticules et concevoir des mécanismes astucieux pour les cibler et les livrer dans les sites désirés seraient des éléments clés dans la nanomédecine du futur. Nous vivons dans un monde où chacun d’entre nous connaît une personne de sa famille ou de ses amis qui vont subir des traitements douloureux et connaître une expérience déchirante et traumatique. Espérons que ces thérapies à base de nanomatériaux donnent lieu à des solutions et à des succès dans la lutte contre le cancer. Car dans un hadith du Prophète (paix et bénédiction soient sur lui), il est dit : « Ô serviteurs de Dieu ! Cherchez des remèdes, car il n’est pas de maladie que Dieu ait créée à laquelle Il n’ait assigné un remède. »
Dont certains, semble-t-il, sous une nano-forme.
Ibrahim Yildiz est diplômé de la faculté de médecine Miller de l’Université de Miami.
Références 1. Qiao R.R., Yang C.H. & Gao M.Y., « Nanoparticules superparamagnétiques d’oxyde de fer : des préparatifs aux applications IRM in vivo » (vol. 19, pp. 62-74, 2009). J. Mater. Chem. 2009 ; 19:9286-9286.
2. Raymo F.M. & Yildiz I., « Les composants luminescents basés sur les points quantiques semi-conducteurs », Phys. Chem. Chem. Phys. 2007 ; 9:2036-2043.
3. Giljohann D.A., Seferos D.S., Daniel W.L., Massich M.D., Patel P.C. & Mirkin C.A., « Les nanoparticules d’or en biologie et en médecine », AngewChem. Int. Edit. 2010 ; 49:3280-3294.
4. Jesorka A. & Orwar O., « Liposomes : technologies et applications analytiques », Annu. Rev. Anal. Chem. 2008 ; 1:801-832.
5. Sancey L., Barbier E., Hirsjarvi S. et al., « Les effets des récepteurs de reconnaissance des motifs moléculaires (PRR) sur les tumeurs : caractérisation par IRM et imagerie fluorescente », B. Cancer. 2011 ; 98:S67-S67.
6. Hruby M., Konak C. & Ulbrich K., « Système d’administration de drogue à pH sensible pourdoxorubicine », Communiqué J. Control. 2005 ; 103:137-148.
7. Waehler R., Russell S.J. & Curiel D.T., « Ingénierie ciblée des vecteurs viraux de thérapie génique », Nat. Rev. Genet. 2007 ; 8:573-587.
8. Yildiz I., Shukla S. & Steinmetz N.F., « Applications de nanoparticules virales en médecine », Curr. Opin. Biotech. 2011 ; 22:901-908.
9. Peek L.J., Middaugh C.R. & Berkland C., « La nanotechnologie dans les programmes de vaccination », Adv. Drug Deliver. Rev. 2008 ; 60:915-928.
10. Ruoslahti E., Bhatia S.N. & Sailor M.J., « Ciblage des tumeurs par les médicaments et les nanoparticules », J. Cell. Biol. 2010 ; 188:759-768.
11. Liang X.J., Chen C., Zhao Y. & Wang P.C., « Contourner la résistance tumorale à la chimiothérapie par la nanotechnologie », Methods Mol. Biol. 2010 ; 596:467-88.
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