Dépaysés ? Que non ! Nous sommes plutôt émerveillés par les premières images qui défilent sous nos yeux. Des images de carte postale qui donnent aux visiteurs du jour un avant-goût de ce qu'ils vont voir pendant leur séjour. De quoi faire tomber les clichés négatifs. En Turquie, les stars, c'est nous. Pour dire vrai, une seule star dénommée Madiambal Diagne, administrateur du groupe Avenir Communication et chef d'une délégation de journalistes patrons de presse. Une délégation composée de Abdoulaye Bamba Diallo de l'hebdomadaire Nouvel Horizon, Mamadou Thierno Talla du quotidien L'As, Bougane Guèye Dani du groupe D-Média, Thierno Birahim Fall de l'Agence de presse sénégalaise et de votre serviteur, du groupe Futurs Médias. La star se nomme donc Madiambal. Appelons-le désormais Bilal Ibn Rabah, du nom du premier muezzin qui appela pour la première fois les fidèles à la prière à Médine du temps du Prophète Mohammed. Bilal par allusion au beau teint noir de celui qui attire tel un aimant tous les regards turcs.
À la différence de certains de chez nous, musulmans plus de mode que de foi (souvent douteuse), les Turcs estiment que la religion est une affaire strictement privée. Qui n'engage avant et après tout que le croyant vis-à-vis de son Créateur. Dieu reconnaîtra les siens. Il n'empêche que le musulman turc aime son prochain. D'où qu'il vienne et quelle que soit la couleur de sa peau. Amour pour tout musulman, respect pour le non musulman au nom de la laïcité qui caractérise l'Etat turc.
Telle Alice aux pays des merveilles
Un étranger, de surcroît venu du lointain Sénégal, est forcément séduit par le modèle de développement de la Turquie. Un pays à la vieille civilisation qui ne laisse personne indifférent. Cet État républicain, laïc et parlementaire, est une terre aux mille merveilles. Un vrai « pays des merveilles » ! Alice n'y serait pas dépaysée.
Merveille religieuse. Sur cette terre a séjourné une dizaine de prophètes. La ville sainte d'Urfa ou Sanliurfa de son nom complet a, en effet, vu passer neufs prophètes : Ayyoub (Job), Yaacoub (Jacob), et bien d'autres… Miracle permanent d'un lac, point de chute du premier Messager de Dieu, peuplé de poissons que personne ne s'aventure à pêcher. Ces poissons sont sacrés et les croyances en Turquie ont la peau dure.
Ici, au bas de la falaise (forteresse) où fut catapulté et donné pour mort (!) le prophète Ibrahim (Abraham), on est en pèlerinage à longueur d'année en laissant conter l'histoire des neufs prophètes. Des histoires toutes aussi merveilleuses les unes que les autres. À Sanliurfa, le tourisme religieux n'est pas un slogan creux. Que dire d'Istanbul ? La capitale économique turque, ville coupée en deux par le détroit du Bosphore reliant la mer Noire à la mer de Marmara, délimite de façon méridionale la partie asiatique et celle européenne de la Turquie sur une longueur de 42 kilomètres pour une largeur de 698 à 3 000 mètres. C'est le pays aux huit frontières : la Grèce, la Bulgarie, la Géorgie, l'Arménie, l'Azerbaïdjan, l'Iran, l'Irak et la Syrie. Le Bosphore sépare la province d'Istanbul, ville aux quatre grandes îles entre ses parties anatolienne (Asie) et rouméliote (Europe). Istanbul où trône dans un séduisant syncrétisme religieux, la belle et multiséculaire basilique Sainte-Sophie (Ayasofia) construite au VIe siècle. À quelques mètres d'Ayasofia signifiant « Sainte sagesse » ou « Sagesse divine », église chrétienne de Constantinople devenue mosquée sous le règne du sultan Mehmed II au XVIe siècle, puis musée depuis 1934, à côté donc de cette vieille et solide bâtisse, s'élèvent vers les cieux les minarets de la célèbre et merveilleuse mosquée Bleue — plus bleue de nom que de couleur —, ainsi que les minbars de la non moins célèbre et tout aussi merveilleuse mosquée du sultan Soliman le Magnifique pour les Occidentaux ou Soliman le Législateur (Kanuni) chez les Orientaux. Le Palais de Topkapi n'est pas loin. Dans ce vaste musée autrefois palais des sultans ottomans sont exposés pour le plaisir des yeux et pour l'histoire, des objets de toutes sortes, sertis parfois d'or, parfois de diamant, des objets allant des armes de guerre dans tout leur caractère rustre ou dans toute leur beauté, aux reliques d'un lointain passé en passant par des objets ayant appartenu au dernier Envoyé de Dieu auprès de ses créatures pécheresses. On y trouve jalousement conservés l'empreinte du pied du Prophète Mohammed, une de ses dents, une touffe de ses cheveux ou encore une tunique de sa fille Fatima. Une merveille, ce Palais de Topkapi !
Les lieux et monuments historiques visités lors de ce voyage nous ont beaucoup éclairés sur la grandeur de ce pays des merveilles, pays qui collectionne les succès tant sur le plan social qu'économique.
Un système éducatif exemplaire
Le succès turc n'a pas de secret. Il est le fruit d'un état d'esprit. Le tout fondé sur un bon système éducatif. Le Groupe scolaire Yavuz Selim, bien connu des Sénégalais, est le porte-étendard du système éducatif turc à l'étranger. Le peu de jours que nous avons passé dans ce pays nous amène à conclure sur une note d'espoir. Rien n'est impossible à force de foi et de confiance en soi.
S'il y a un secret de la réussite de la Turquie, c'est sans doute son système éducatif symbolisé par le Groupe scolaire Yavuz Selim. Par parenthèse, Yavuz Selim ou Selim Ier dit « Le Brave » ou « Le Terrible » (c'est le sens de yavuz en turc) fut le 9e sultan de l'Empire ottoman et le premier à porter le titre de calife. Il régna sur l'empire au XVIe siècle pendant huit ans à la succession de son père Bayezid II. Selim Ier, époux d'Aysé Hafsa Sultan, est le père de Soliman le Magnifique.
Le système éducatif turc à travers le Groupe Yavuz Selim, ambitionne d'être « un regard différent sur l'Éducation ». Mais au-delà du slogan, ce système d'enseignement vaut à la Turquie une matière grise de qualité. L'ambition de la Turquie de se hisser au niveau des standards les plus élevés en matière d'éducation et de formation se reflète à travers l'hôpital ultramoderne de l'Université Fatih. Situé au bord de la mer de Marmara, en face des quatre îles d'Istanbul, le centre hospitalier Fatih autrefois appelé Sema offre un confort digne de l'hôtel 5 étoiles qu'il a remplacé. Un savoir et un savoir-faire médical de premier plan grâce à un personnel soignant composé de 117 médecins sur 400 agents au total, au service de 600 patients (capacité maximale de traitement de la structure sanitaire) avec une capacité de 220 lits pour les hospitalisations. Les spécialités vont de la cardiologie à la chirurgie plastique en passant par le traitement du cancer, les opérations générales, les traumatismes crânien et nerveux, entre autres qualifications.
Si la Turquie prospère aujourd'hui grâce à la qualité de ses ressources humaines, un homme n'y est pas étranger. Il s'appelle Fethullah Gülen (cf. www.fgulen.com/fr). Agé aujourd'hui de 72 ans, c'est un grand intellectuel et penseur turc. Auteur de plusieurs dizaines d'ouvrages, il est l'inspirateur du mouvement qui porte son nom. Fethullah Gülen, exilé volontaire en Pennsylvanie aux Etats-Unis, enseigne que « la vraie liberté est la libération de l'esprit humain de toutes les chaînes qui l'empêchent de progresser matériellement et spirituellement, aussi longtemps qu'il se préserve de tomber dans l'ignorance et l'insouciance. »
Dans sa biographie, Gülen est présenté comme un intellectuel musulman qui exprime sa croyance dans la science, la démocratie et le dialogue interconfessionnel. L'amorce de ce dialogue avec les différents représentants de la religion est symbolisée par sa rencontre avec le défunt pape Jean Paul II. Très actif dans le débat sociétal et religieux sur la spiritualité et la modernité, la tradition, le sécularisme, la démocratie, la pensée islamique, la science et la religion, l'inspirateur du mouvement Gülen invite l'homme à l'action constante en lui rappelant « qu'il ne faut pas ignorer la doctrine des causes » ; autrement dit, ne pas rester assis à ne rien faire et attendre avec insouciance pour obtenir les faveurs de Dieu. Dit encore autrement : Aide-toi, Dieu t'aidera. Fethullah Gülen est décrit par certains médias, notamment anglophones, comme « l'une des personnalités musulmanes les plus importantes au monde ».
Une presse dynamique
Un exemple pour illustrer le dynamisme turc peut être tiré du secteur des médias. Le premier quotidien d'informations de la Turquie, Zaman, tire chaque jour à plus d'un million d'exemplaires (1 050 000, très exactement). Excusez du peu ! Les recettes du journal leader sont constituées pour 80 % de l'abonnement. De quoi susciter l'envie d'une presse écrite sénégalaise qui est toujours à recourir à la vieille méthode de vente à la criée pour écouler ses produits. Que serait-elle devenue si le petit revendeur sillonnant les rues et ruelles de nos villes ou faisant du porte à porte n'existait pas ? Une presse sénégalaise dont la totalité du tirage quotidien atteint à peine 200 000 exemplaires.
Le secteur médiatique turc, à l'image de celui du Sénégal, est caractérisé par une libéralisation et une certaine liberté contrôlée aussi bien pour la presse écrite qu'audiovisuelle. L'Instance de régulation de l'audiovisuel, la RTUK, équivalent de notre CNRA, est dotée de moyens conséquents. Elle n'a pas besoin d'être subventionnée par l'État pour mener à bien sa mission. Un pourcentage prélevé sur le chiffre d'affaires global généré par le secteur audiovisuel permet à la RTUK de faire son travail de contrôle des contenus radiophoniques et télévisés sans censure systématique.
Mamoudou Ibra KANE est le Directeur Général du Groupe Futurs Médias au Sénégal.
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